Roger le routier

Il vaut mieux vivre avec des remorques qu'avec des regrets

Ce qui me marque, en voyage, c'est plus les gens que les paysages. Il faut dire que de ces pays que je traverse, je vois surtout les autoroutes et les zones industrielles...

J'ai toujours été un peu solitaire, sinon je n'aurais pas choisi ce métier. Pourtant, j'ai toujours aimé faire de nouvelles rencontres. Même si les contacts restent souvent limités, à cause des barrières linguistiques, à travers chacun de ces inconnus que l'on cotoie quelques temps, c'est un nouvel univers que l'on touche du bout du doigt.

Je me rends compte que mes trois premiers messages sont un peu larmoyants.

Mais l'intérêt des blogs n'est pas forcément de s'épancher sur soi-même: si je me suis lancé dans ce monde, c'est avant tout pour m'obliger à écrire.

Je n'ai jamais été scolaire. Je n'aimais que les matières qui permettaient le rêve et l'évasion. J'aimais le dessin. En géographie, je préférais la découverte de pays lointains à celle des couches géologiques et en français, j'aimais écrire plus qu'apprendre par coeur les conjugaisons.

Et bien sûr, j'ai toujours aimé lire. Aujourd'hui encore, j'ai toujours un livre installé à la place du passager. Il me tient compagnie pendant les haltes. Dès que je dois m'immobiliser plus de cinq minutes, je dévore quelques pages. Et pas seulement de magazines de charme comme vous pourriez le croire, les stéréotypes ont la vie dure.Des romans de grands auteurs classiques comme Bernard Werber et Amélie Nothomb, des biographies, des magazines, tout ce qui me tombait sous la main en fait. 

Le déclic, ça a été le petit prince. Ce livre m'a charmé quand j'étais tout gamin, à cause de son histoire simple et belle. Puis je l'ai relu, plus souvent que tout autre, et chaque lecture m'a apporté quelque chose de nouveau.

Et quand je regarde les étoiles, je sais qu'une rose m'y attend.

 

Retour au bercail. A chaque fois, c'est pareil. Je tourne la clé dans la serrure, j'entre et seule la solitude est là pour me recevoir. Il y a tant de fantômes dans cet appartement.

Je tourne la clé et je m'attends presque à ce qu'Hercule arrive, tout frétillant et ne me fasse la tête. Je m'attends à ce que Christiane me demande comment c'est passé le voyage, qu'elle me raconte les dernières nouvelles du voisinage, qu'elle m'aie préparé son savoureux rôti de porc.

Ils me manquent. Lionel et Géraldine me manquent aussi. Leurs chamailleries, leurs rires, la vie qu'ils mettaient me manquent.

Alors je parcours ce nouveau monde, je lis des weblogs, je croise d'autres destins. Ils me manquent toujours autant, mais je me sens moins seul.

Parfois, je me demande si j'ai fait le bon choix. J'aime mon métier, mais il m'a probablement coûté une vraie vie de famille.

J'aime découvrir l'Europe au volant de ma machine, me vider l'esprit, regarder les paysages qui défilent en écoutant Johnny ou Pascal Obispo. J'aime avoir des amis ca et là, partager des instants de vie un peu partout.

Mais ce sentiment de liberté en vaut elle la peine? Parfois, quand je rentre chez moi, que je suis seul le soir avec mon désespoir, je me le demande.

C'est ma fille qui m'avait fait découvrir le monde des weblogs. C'était à l'époque où on se parlait encore.

Je n'y avais pas attaché grand intérêt à l'époque et puis depuis... Je me suis dit que ce serait un bon moyen de poser ces mots qui voltigent dans ma tête quand je sillonne les routes au volant de mon camion (si je savais comment faire, je vous mettrais sa photo!)

Et je crois qu'une partie de moi rêve qu'elle tombe dessus, qu'elle le montre à son frère. Et si on renouait le contact par ce biais, ce serait formidable! Mais ne rêvons pas, les chances sont minces. Il y a tant de choses à faire à Dole qu'elle ne doit pas passer beaucoup de temps devant son écran.

Voila, je me lance sur l'autoroute de l'information, en attendant de retrouver la vraie autoroute.